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L’ÉCOLE


sous le ministère de M. Duruy la direction de l’Université redevient franchement laïque. Par suite, en gros et dans ses grandes lignes, le régime total de l’enseignement va jusqu’en 1876 ressembler à celui de Juillet ; pendant seize ans, faute de mieux, les deux grands pouvoirs enseignants, le spirituel et le temporel, vont se supporter, l’un l’autre et opérer chacun à part, chez soi et à sa façon ; seulement, l’Église, chez elle, n’exerce plus par tolérance et permission gracieuse de l’Université, mais par abolition légale du vieux monopole et en vertu d’un droit écrit. Le tout compose un régime passable, moins oppressif que les précédents ; à tout le moins, les deux millions de catholiques pratiquants qui considèrent l’incrédulité comme un malheur extrême, les pères et les mères qui subordonnent l’instruction à l’éducation[1], et veulent avant tout préserver la foi de leurs enfants jusqu’à l’âge adulte, trouvent maintenant dans les établissements ecclésiastiques des serres bien aménagées, soigneusement calfeutrées contre les courants d’air modernes. Un besoin urgent de premier ordre[2], légitime, vivement senti par beaucoup

  1. Riancey, Histoire de l’Instruction publique, II, 476 (Paroles de M. Saint-Marc Girardin) : « Nous instruisons, nous n’élevons pas ; nous cultivons et développons l’esprit, non le cœur. » — Témoignages analogues de M. Dubois, directeur de l’École Normale, et de M. Guizot, ministre de l’instruction publique. « L’éducation n’est pas au niveau de l’instruction. » (Exposé des motifs de la loi de 1836.)
  2. Riancey, ib., II, 401, 475. — Thureau-Dangin, ib., 145 et 146. — (Paroles d’un catholique fervent, M. de Montalembert, dans le procès de l’École libre, 29 septembre 1831) : « C’est le cœur encore navré de ces souvenirs (personnels) que je déclare