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L’ÉGLISE


« dans la Turquie et dans tout l’Orient, l’Alcoran est en même temps loi civile et évangile religieux. Ce n’est que dans le christianisme que le pontificat s’est trouvé ainsi séparé du gouvernement civil. » Et cela même n’est arrivé que dans une branche du christianisme ; sauf dans les pays catholiques, partout, « en Angleterre[1], en Russie, dans les monarchies du Nord, dans une partie de l’Allemagne, la réunion légale des deux pouvoirs, la « direction religieuse aux mains du souverain » est un fait accompli. On ne saurait gouverner sans elle ; autrement une nation est à chaque instant blessée dans son repos, dans sa dignité, dans son indépendance. » C’est dommage « qu’on[2] ne puisse trancher la difficulté comme Henri VIII » d’Angleterre ; le chef du gouvernement français deviendrait alors, par statut législatif, le chef suprême de l’Église française. Par malheur, la France y répugne ; à plusieurs reprises, Napoléon l’a tâtée, mais il s’est convaincu qu’en ceci « il n’aurait jamais eu la coopération nationale » ; une fois embarqué, « engagé à fond dans l’entreprise, la nation l’eût abandonné ». Faute de cette voie, il en prend une autre, qui conduit au même but. Ce but, dira-t-il lui-même, « a été longtemps et toujours l’objet de ses méditations et de ses vœux… » — « Il[3] ne veut pas altérer la croyance de ses peuples ; il respecte les choses spirituelles et veut les dominer

  1. Mémorial, V, 323 (17 août 1816).
  2. Pelet de la Lozère, 201.
  3. Mémorial, V, 353 (17 août 1816). Soles sur les Quatre Concordats de M. de Pradt (Correspondance de Napoléon Ier, XXX, 557).