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L’ÉCOLE


séminaires avec leurs 5000 élèves, il restait encore 1255 maisons particulières, instruisant 39 000 écoliers, en face de 36 lycées et de 368 collèges communaux, qui ensemble n’avaient que 37 000 élèves. De ces 1255 maisons privées, il n’en subsiste plus que 825 en 1854, 622 en 1865, 494 en 1876, enfin, en 1887, 302 avec 20 174 élèves ; en revanche, en 1887 les établissements de l’État en ont 89 000, et ceux de l’Église 73 000. C’est surtout à partir de 1850 que la décadence des institutions laïques et privées se précipite : en effet, au lieu d’un concurrent, elles en ont deux, le second aussi formidable que le premier, l’un et l’autre pourvus d’un crédit illimité, maîtres de capitaux immenses, et résolus à dépenser sans compter, d’une part l’État qui prend ses millions dans la poche des contribuables, d’autre part l’Église qui puise ses millions dans la bourse des fidèles : entre des individus isolés et ces deux grandes puissances organisées qui donnent l’instruction au rabais ou gratis, la lutte est trop inégale[1]. — Tel est l’effet actuel et final du premier monopole napoléonien : l’entreprise de l’État a, par contre-coup, suscité l’entreprise du clergé ; à elles deux maintenant, elles achèvent de ruiner les autres, particulières, diverses, indépendantes, qui, n’ayant d’autre support que l’approbation

  1. Depuis quelques années, l’École Alsacienne ne se soutient que par un subside de 40 000 francs alloué par l’État ; cette année (1892), l’État fournit à Monge et à Sainte-Barbe des subsides de 130 000 et de 150 000 francs ; sans quoi elles feraient faillite ou fermeraient. Probablement, l’État les soutient ainsi pour avoir à côté de ses lycées un champ d’expériences pédagogiques, ou pour empêcher une congrégation catholique de les acheter.