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L’ÉGLISE


cas de disgrâce, le débat contradictoire par-devant l’officialité, l’attache fixe par laquelle le curé titulaire, une fois implanté dans sa paroisse, s’y enracinait pour toute sa vie et se croyait lié à sa communauté locale comme Jésus-Christ à l’Église universelle, indissolublement, par une sorte de mariage mystique. « Il faut, dit Napoléon[1], réduire autant que possible le nombre des curés inamovibles et multiplier le nombre des desservants qu’on pourra changer à volonté », non seulement transférer dans une autre paroisse, mais révoquer du jour au lendemain, sans formalités ni lenteurs, sans appel, débats et bruit devant un tribunal quelconque. Désormais les seuls inamovibles sont les quatre mille curés ; tous les autres, sous le nom de succursalistes, au nombre de trente mille[2], simples commis ecclésiastiques, sont livrés au pouvoir discrétionnaire de l’évêque. À lui seul, l’évêque nomme, place, déplace tous ceux de son diocèse ; quand il lui plaît, et d’un signe de tête, il fait passer le plus qualifié du meilleur poste au pire, du

  1. Pelet de la Lozère, 206 (22 mai 1804).
  2. Décrets du 31 mai 1804, du 20 décembre 1804, du 30 septembre 1807, avec la liste des succursales par départements. — Outre les succursalistes payés par l’État, il y avait les vicaires, non moins dépendants de l’évêque et entretenus par les allocations des communes ou par les dons des particuliers. (Bercastel et Henrion, XIII, 32, discours de M. Roux de Laborie à la Chambre des députés, 1816.) « Dans sa recomposition de l’Église de France, l’usurpateur a établi 12 000 vicaires confiés au secours de l’aumône, et vous ne serez pas étonné qu’au lieu de 12 000 il n’y en ait que 5000 qui aient eu le courage de mourir de faim ou d’implorer la charité publique… Aussi 4000 temples des campagnes sont sans culte et sans ministres. »