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LE RÉGIME MODERNE


observateurs clairvoyants disaient déjà : « Terminons ce Concordat que le Premier Consul désire[1] ; on verra, quand il sera ratifié, toute l’immensité de son importance, et le pouvoir qu’il donne à Rome sur l’épiscopat dans tout l’univers ». — Effectivement, par ce coup d’autorité « extraordinaire, presque sans exemple », et certainement sans égal « dans l’histoire de l’Église[2] », la théorie ultramontaine, contestée jusqu’alors et maintenue dans la région spéculative des formules abstraites, descendait sur la terre solide, dans la pratique positive et durable. Bon gré mal gré, « le pape faisait un acte d’évêque universel » ; sollicité et contraint par le pouvoir laïque, acculé à la dictature[3], il y entrait, s’y installait, et, dix ans après, Napoléon, qui l’y avait poussé, regrettait de l’y avoir mis ; averti par les légistes gallicans, il voyait la portée ecclésiastique de son œuvre ; mais, pour revenir en arrière, il était trop tard ; le pas décisif était fait. — Car, en fait, le pape avait dépossédé de leurs sièges tous les chefs

  1. Artaud, Histoire de Pie VII, I, 167.
  2. Comte d’Haussonville, l’Église romaine et le premier Empire, IV, 578, 415 (Instructions pour la commission ecclésiastique de 1811). « Le pape a fait un acte d’évêque universel à l’époque du rétablissement du culte en France… Le pape, s’autorisant d’un cas extraordinaire et unique dans l’Église, a agi, depuis le Concordat, comme s’il avait un pouvoir absolu sur les évêques. » — (Discours de Bigot de Préameneu, ministre des cultes, au concile national, 20 juin 1811.) « Cet acte était presque sans exemple dans l’histoire de l’Église, et la cour de Rome est partie de cette espèce d’acte extraordinaire, qu’elle avait fait à la demande du souverain, pour se renforcer dans ses idées de domination arbitraire sur les évêques. »
  3. Ce mot est de Napoléon.