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LA PROPAGATION DE LA DOCTRINE


mains des filles de Louis XV[1], ni d’autres livres plus singuliers encore[2] où le raisonnement philosophique apparaît comme un intermède entre des ordures et des gravelures, et que des dames de la cour ont sur leur toilette avec ce titre : Heures de Paris. Il ne s’agit ici que des grands hommes, des maîtres de l’esprit public. Sauf Buffon, tous mettent dans leur sauce des piments, c’est-à-dire des gravelures ou des crudités. On en rencontrerait jusque dans l’Esprit des lois ; il y en a d’énormes, concertées et compassées, au milieu des Lettres persanes. Dans ses deux grands romans, Diderot les jette à pleines mains, comme en un jour d’orgie. À toutes les pages de Voltaire, ils craquent sous la dent, comme autant de grains de poivre. Vous les retrouvez, non pas piquants, mais âcres et d’une saveur brûlante, dans la Nouvelle Héloïse, en vingt endroits de l’Émile, et d’un bout à l’autre des Confessions. C’était le goût du temps ; M. de Malesherbes, si honnête et si grave, savait par cœur et récitait la Pucelle ; du plus sombre des Montagnards, Saint-Just, on a un poème aussi lubrique que celui de Voltaire, et le plus noble des Girondins, Mme Roland, a laissé des confessions aussi risquées, aussi détaillées que celles de Rousseau[3]. — D’autre part, voici une seconde boîte, celle qui contient le vieux sel gaulois, je veux dire la plaisanterie et la raillerie. Elle s’ouvre toute

  1. Le portier des Chartreux.
  2. Thérèse philosophe. Il y a toute une littérature de cette espèce.
  3. Voyez l’édition de M. Dauban, qui a rétabli les morceaux supprimés.