jugé. Ils applaudiront Saint-Lambert lorsqu’à souper, levant un verre de champagne, il proposera le retour à la nature et aux mœurs d’Otaïti[1]. — Dernière entrave, le gouvernement, la plus gênante de toutes ; car elle applique les autres et comprime l’homme de tout son poids joint à tout leur poids. Celui-ci est absolu, il est centralisé, il procède par faveurs, il est arriéré, il commet des fautes, il a des revers : que de causes de mécontentement en peu de mots ! Il a contre lui les ressentiments vagues et sourds des anciens pouvoirs qu’il a dépossédés, états provinciaux, parlements, grands personnages de province, nobles de la vieille roche qui, comme des Mirabeau, conservent l’esprit féodal, et, comme le père de Chateaubriand, appellent l’abbé Raynal un « maître homme ». Il a contre lui le dépit de tous ceux qui se croient frustrés dans la distribution des emplois et des grâces, non seulement la noblesse de province qui reste à la porte[2] pendant que la noblesse de cour mange le festin royal, mais encore le plus grand nombre des courtisans, réduits à des bribes, tandis que les favoris du petit cercle intime engloutissent tous les gros morceaux. Il a contre lui la mauvaise humeur de ses administrés, qui, lui voyant prendre le rôle de la
- ↑ Mme d’Épinay, Éd. Boiteau, I, 216, souper chez Mlle Quinault la comédienne, avec Saint-Lambert, le prince de…, Duclos et Mme d’Épinay.
- ↑ Par exemple, le père de Marmont, gentilhomme, militaire, qui ayant gagné à 28 ans la croix de Saint-Louis, quitte le service, parce que tout l’avancement est pour les gens de cour. — Retiré dans sa terre, il est libéral et enseigne à lire à son fils dans le Compte rendu de Necker. (Maréchal Marmont. Mémoires, I, 9.)