Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
L’ANCIEN RÉGIME


« est janséniste de la tête aux pieds, » non seulement les magistrats, les avocats, les professeurs, toute l’élite de la bourgeoisie, « mais encore tout le gros de Paris, hommes, femmes, petits enfants, qui tiennent pour cette doctrine, sans savoir la matière, sans rien entendre aux distinctions et interprétations, par haine contre Rome et les jésuites. Les femmes, femmelettes et jusqu’aux femmes de chambre s’y feraient hacher… Ce parti s’est grossi des honnêtes gens du royaume qui détestent les persécutions et l’injustice. » — Aussi, quand toutes les chambres de magistrature, jointes aux avocats, donnent leur démission et défilent hors du palais « au milieu d’un monde infini, le public dit : Voilà de vrais Romains, les pères de la patrie ; on bat des mains au passage des deux conseillers Pucelle et Menguy et on leur jette des couronnes ». — Incessamment rallumée, la querelle du Parlement et de la Cour sera l’une des flammèches qui provoqueront la grande explosion finale, et les brandons jansénistes qui couvent sous la cendre trouveront leur emploi en 1791 lorsqu’on attaquera l’édifice ecclésiastique. — Mais, dans cet antique foyer, il ne peut y avoir que des cendres chaudes, des tisons enfouis, parfois des pétillements et des feux de paille ; par lui-même et à lui seul, il n’est point incendiaire. Sa structure emprisonne sa flamme et ses aliments limitent sa chaleur. Le janséniste est trop fidèle chrétien pour ne pas respecter les puissances instituées d’en haut. Le parlementaire, conservateur par état, aurait horreur de renverser l’ordre établi. Tous les deux