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LE PEUPLE


campagne et des paysans est le même qu’en Irlande, du moins dans les grands traits.

III

Dans les contrées les plus fertiles, en Limagne par exemple, chaumières et visages, tout annonce[1] « la misère et la peine ». — « La plupart des paysans sont faibles, exténués, de petite stature. » Presque tous récoltent dans leurs héritages du blé et du vin, mais sont forcés de les vendre pour payer leurs rentes et leurs impositions ; ils ne mangent qu’un pain noir fait de seigle et d’orge, et n’ont pour boisson que de l’eau jetée sur le restant des marcs. « Un Anglais[2] qui n’a pas quitté son pays ne peut se figurer l’apparence de la majeure partie des paysannes en France. » Arthur Young, qui cause avec l’une d’entre elles en Champagne, dit que, « même d’assez près, on lui eût donné de soixante à soixante-dix ans, tant elle était courbée, tant sa figure était ridée et durcie par le travail ; elle me dit n’en avoir que vingt-huit ». Cette femme, son mari et son ménage sont un échantillon assez exact de la condition du petit cultivateur propriétaire. Ils ont pour tout bien un coin de terre, une vache et un pauvre petit cheval ; leurs sept enfants consomment tout le lait de la vache. Ils doivent à un seigneur un franchard (42 livres) de froment et trois poulets, à un autre trois

  1. Dulaure, Description de l’Auvergne (1789).
  2. Arthur Young, I, 235.


  anc. rég. ii.
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