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L’ANCIEN RÉGIME


franchards d’avoine, un poulet et un sou, à quoi il faut joindre la taille et les autres impôts. « Dieu nous vienne en aide, disait-elle, car les tailles et les droits nous écrasent ! » — Que Sera-ce donc dans les contrées où la terre est mauvaise ? — « Des Ormes (près de Châtellerault) jusqu’à Poitiers, écrit une dame[1], il y a beaucoup de terrain qui ne rapporte rien, et, depuis Poitiers jusque chez moi (en Limousin), il y a vingt-cinq mille arpents de terrain qui ne sont que de la brande et des joncs marins. Les paysans y vivent de seigle dont on n’ôte pas le son, qui est noir et lourd comme du plomb. — Dans le Poitou et ici, on ne laboure que l’épiderme de la terre, avec une petite vilaine charrue sans roues… Depuis Poitiers jusqu’à Montmorillon, il y a neuf lieues, qui en valent seize de Paris, et je vous assure que je n’y ai vu que quatre hommes, et trois de Montmorillon chez moi, où il y a quatre lieues ; encore ne les avons-nous aperçus que de loin, car nous n’en avons pas trouvé un seul sur le chemin. Vous n’en serez pas étonné dans un tel pays… On a soin de les marier d’aussi bonne heure que les grands seigneurs, » sans doute par crainte de la milice. « Mais le pays n’en est pas plus peuplé, car presque tous les enfants meurent. Les femmes n’ayant presque pas de lait, les enfants d’un an mangent de ce pain dont je vous ai parlé ; aussi une fille de quatre ans a le ventre gros comme une femme enceinte… Les

  1. Éphémérides du citoyen, XX, 146 (Lettre de la marquise de… 17 août 1767).