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L’ANCIEN RÉGIME


aux nobles, ils ont si bien manœuvré, que leur taxe s’est réduite à mesure que s’augmentait la charge du Tiers. Tel comte ou marquis, intendant ou maître des requêtes, à 40 000 livres de rente, qui, selon le tarif de 1695[1], devrait payer de 1700 à 2500 livres, n’en paye que 400, et tel bourgeois à 6000 livres de revenu, qui, selon le même tarif, ne devrait payer que 70 livres, en paye 720. Ainsi, la capitation du privilégié a diminué des trois quarts ou des cinq sixièmes, et celle des taillables a décuplé. Dans l’Île-de-France[2], sur 240 livres de revenu, elle prend au taillable 21 livres 8 sous, au noble 3 livres, et l’intendant déclare lui-même qu’il ne taxe les nobles qu’au 80e de leur revenu ; celui de l’Orléanais ne les taxe qu’au 100e ; en revanche le taillable est taxé au 11e. — Si l’on ajoute aux nobles les autres privilégiés, officiers de justice, employés des fermes, villes abonnées, on forme un groupe qui contient presque tous les gens aisés ou riches, et dont le revenu dépasse certainement de beaucoup celui de tous les simples taillables. Or nous savons, par les budgets des assemblées provinciales, ce que dans chaque province la capitation prend à chacun des deux groupes : dans le Lyonnais, aux taillables 898 000 livres, aux privilégiés 190 000 ; dans l’Île-de-France, aux taillables 2 689 000 livres, aux privilégiés 232 000 ; dans la géné-

  1. On a tenu compte dans ces chiffres de l’augmentation du titre de la monnaie, le marc d’argent valant 29 francs en 1695, et 49 francs dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
  2. Procès-verbaux de l’assemblée provinciale de l’Île-de-France 132, 158 ; de l’Orléanais, 96, 387.