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L’ANCIEN RÉGIME


quoi « l’effroi de la taille dépeuple les campagnes, concentre dans les villes tous les talents et tous les capitaux[1] ». Même inégalité hors des villes. Chaque année, les élus et leurs collecteurs, munis d’un pouvoir arbitraire, fixent la taille de la paroisse et la taille de chaque habitant. Entre ces mains ignorantes et partiales, ce n’est pas l’équité qui tient la balance, c’est l’intérêt privé, la haine locale, le désir de la vengeance, le besoin de ménager un ami, un parent, un voisin, un protecteur, un patron, un homme puissant, un homme dangereux. L’intendant de Moulins, arrivant dans sa généralité, trouve que « les gens en crédit ne payent rien et que les malheureux sont surchargés ». Celui de Dijon écrit que « les bases de la répartition sont arbitraires à un tel degré, qu’on ne doit pas laisser gémir plus longtemps les peuples de la province[2] ». Dans la généralité de Rouen, « quelques paroisses payent plus de 4 sous pour livre et quelques-unes à peine 1 sou[3] ». — « Depuis

    « l’inégalité, sont inséparables de l’impôt de la taille à chaque changement de collecteur. »

  1. Archives nationales, H, 615. Lettre de M. de Langourda, gentilhomme breton, à M. Necker, 4 décembre 1780 : « Vous mettez toujours les impôts sur la classe des hommes utiles et nécessaires, qui diminue tous les jours : ce sont les laboureurs. Les campagnes sont devenues désertes et personne ne veut plus conduire la charrue. J’atteste à Dieu et à vous, Monseigneur, que nous avons perdu plus d’un tiers de nos blés nains à la dernière récolte, parce que nous n’avions pas d’hommes pour travailler. »
  2. Ib., 1149 (lettre de M. de Reverseaux, 16 mars 1781) ; H, 200, lettre de M. Amelot, 2 novembre 1784).
  3. Procès-verbaux de l’assemblée provinciale de la généralité de Rouen, 91.