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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/279

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LE PEUPLE


« trois ans que j’habite la campagne, écrit une dame du même pays, j’ai remarqué que la plupart des riches propriétaires sont les moins foulés ; ce sont ceux-là qui sont appelés pour la répartition, et le peuple est toujours vexé[1]. » — « J’habite une terre à dix lieues de Paris, écrivait d’Argenson, où l’on a voulu établir la taille proportionnelle, mais tout n’a été qu’injustice ; les seigneurs ont prévalu pour alléger leurs fermiers[2]. » Outre ceux qui, par faveur, font alléger leur taille, il y a ceux qui, moyennant argent, s’en délivrent tout à fait. Un intendant, visitant la subdélégation de Bar-sur-Seine, remarque « que les riches cultivateurs parviennent à se faire pourvoir de petites charges chez le roi et jouissent des privilèges qui y sont attachés, ce qui fait retomber le poids des impositions sur les autres[3]. » — « Une des principales causes de notre surtaxe prodigieuse, dit l’assemblée provinciale d’Auvergne, c’est le nombre inconcevable des privilégiés qui s’accroît chaque jour par le trafic et la location des charges ; il y en a qui, en moins de vingt ans, ont anobli six familles. » Si cet abus continuait, « il finirait par anoblir en un siècle tous les contribuables le plus en état de porter la charge des contributions[4] ». Notez de plus qu’une infinité de places et de fonctions, sans conférer la noblesse, exemptent leur titulaire de la taille personnelle et

  1. Hippeau, VI, 22 (1788).
  2. Marquis d’Argenson, VI, 37.
  3. Archives nationales, H, 200 (Mémoire de M. Amelot, 1785).
  4. Procès-verbaux de l’assemblée provinciale d’Auvergne, 253.