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LE PEUPLE


teur, il faut encore que j’en donne plus de 14 au seigneur et plus de 14 pour la dîme[1], et, sur les 18 ou 19 francs qui me restent, je dois en outre satisfaire le rat de cave et le gabelou. À moi seul, pauvre homme, je paye deux gouvernements : l’un ancien, local, qui aujourd’hui est absent, inutile, incommode, humiliant, et n’agit plus que par ses gênes, ses passe-droits et ses taxes ; l’autre, récent, central, partout présent, qui, se chargeant seul de tous les services, a des besoins immenses et retombe sur mes maigres épaules de tout son énorme poids. » — Telles sont, en paroles précises, les idées vagues qui commencent à fermenter dans les têtes populaires, et on les retrouve à chaque page dans les cahiers des États généraux.

« Fasse le ciel, dit un village de Normandie[2], que le monarque prenne entre ses mains la défense du misérable citoyen lapidé et tyrannisé par les commis, les seigneurs, la justice et le clergé. » — « Sire, écrit un village de Champagne[3], tout ce qu’on nous envoyait de votre part c’était toujours pour avoir de

  1. On peut évaluer les droits féodaux au septième du revenu net et la dîme aussi au septième. C’est le chiffre que donne l’Assemblée provinciale de la Haute-Guyenne (Procès-verbaux, 47). — Dans les autres provinces, nombre d’exemples isolés indiquent un chiffre à peu près semblable. — La dîme flotte du dixième au trentième du produit brut, et ordinairement se rapproche plus du dixième que du trentième. La moyenne est, à mon avis, du quatorzième, et, comme il faut défalquer moitié du produit brut pour les frais de culture, elle est du septième. Letrosne dit le cinquième et même le quart.
  2. Boivin-Champeaux, 72.
  3. Doléances de la communauté de Culmon (Élection de Langres).