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L’ANCIEN RÉGIME


ne donnent pas. En 1789[1], une grosse troupe de contrebandiers travaille en permanence sur la frontière du Maine et de l’Anjou ; le commandant militaire écrit que « leur chef est un bandit intelligent et redoutable, qu’il a déjà avec lui cinquante-quatre hommes, qu’il aura bientôt avec lui un corps embarrassant par la disposition des esprits et la misère » ; il serait peut-être à propos de corrompre quelques-uns de ses hommes, et de se le faire livrer puisqu’on ne peut le prendre. Ce sont là les procédés des pays où le brigandage est endémique. — Ici en effet, comme dans les Calabres, le peuple est pour les brigands contre les gendarmes. On rappelle les exploits de Mandrin en 1754[2], sa troupe de cent cinquante hommes qui apporte des ballots de contrebande et ne rançonne que les commis, ses quatre expéditions qui durent sept mois à travers la Franche-Comté, le Lyonnais, le Bourbonnais, l’Auvergne et la Bourgogne, les vingt-sept villes où il entre sans résistance, délivre les détenus et vend ses marchandises ; il fallut, pour le vaincre, former un camp devant Valence et envoyer 2 000 hommes ; on ne le prit que par trahison, et encore aujourd’hui des familles du pays s’honorent de sa parenté, disant qu’il fut un libérateur. —

  1. Archives nationales, H, 1453 (Lettre du baron de Besenval, du 19 juin 1789).
  2. Mandrin, par Paul Simian, passim. — Histoire de Beaune par Rossignol, 453. — Mandrin, par Ch. Jarrin (1875). Le commandant Fischer, qui attaque et disperse la bande, écrit que la chose était urgente ; car sinon. « en remontant du côté du Forez, ils auraient trouvé deux ou trois cents vauriens n’attendant ! que le moment de se joindre à eux » (47).