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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/306

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L’ANCIEN RÉGIME


néants dangereux qui vont quêtant ou extorquant leur pain chez des paysans qui n’en ont pas trop pour eux-mêmes. « Les vagabonds, dit Letrosne[1], sont pour la campagne le fléau le plus terrible ; ce sont des troupes ennemies qui, répandues sur le territoire, y vivent à discrétion et y lèvent des contributions véritables… Ils rôdent continuellement dans les campagnes, ils examinent les approches des maisons et s’informent des personnes qui les habitent et des facultés du maître. — Malheur à ceux qui ont la réputation d’avoir quelque argent !… Combien de vols de grand chemin et de vols avec effraction ! Combien de voyageurs assassinés, de maisons et de portes enfoncées ! Combien d’assassinats de curés, de laboureurs, de veuves qu’ils ont tourmentés pour savoir où était leur argent et qu’ils ont tués ensuite ! » Vingt-cinq ans avant la Révolution, il n’était pas rare d’en voir quinze ou vingt « tomber dans une ferme pour y coucher, intimider les fermiers, et en exiger tout ce qu’il leur plaisait ». — En 1764, le gouvernement prend contre eux des mesures qui témoignent de l’excès du mal[2] : « Sont réputés vagabonds et gens sans aveu, et condamnés comme tels, ceux qui, depuis six mois révolus, n’auront exercé ni profession ni métier, et qui, n’ayant aucun état ni aucun bien pour subsister, ne pourront être avoués ni faire certifier de leurs

  1. Letrosne, Ib. (1779), 539.
  2. Archives nationales, F16, 965, et H, 892 (Ordonnance du 4 août 1764, instruction circulaire du 20 juillet 1767, Lettre du lieutenant de la maréchaussée de Toulouse du 21 septembre 1787).