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LA PROPAGATION DE LA DOCTRINE


plantes, par Voltaire, Montesquieu, Rousseau, Diderot, d’Alembert et Buffon, par Duclos, Mably, Condillac, Turgot, Beaumarchais, Bernardin de Saint-Pierre, Barthélemy et Thomas, par la foule de ses journalistes, de ses compilateurs et de ses causeurs, par l’élite et la populace de la philosophie, de la science et de la littérature, elle occupe l’académie, le théâtre, les salons et la conversation. Toutes les hautes têtes du siècle sont ses rejetons, et, parmi celles-ci, quelques-unes sont au nombre des plus hautes qu’ait produites l’espèce humaine. — C’est que la nouvelle semence est tombée sur le terrain qui lui convient, je veux dire dans la patrie de l’esprit classique. En ce pays de raison raisonnante, elle ne rencontre plus les rivales qui l’étouffaient de l’autre côté de la Manche, et tout de suite elle acquiert, non seulement la force de sève, mais encore l’organe de propagation qui lui manquait.

I

Cet organe est « l’art de la parole, l’éloquence appliquée aux sujets les plus sérieux, le talent de tout éclaircir[1] ». — « Les bons écrivains de cette nation, dit leur grand adversaire, expriment les choses mieux que ceux de toute autre nation… » — « Leurs livres apprennent peu de chose aux véritables savants », mais « c’est par l’art de la parole qu’on règne sur les

  1. Joseph de Maistre, Œuvres inédites, 8, 11.


  anc. rég. ii.
T. II. — 6