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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/102

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LA RÉVOLUTION


« Presque jamais, écrit une commission provinciale[1], une municipalité ne requerra ; elle laissera commettre les plus grands excès plutôt que de faire une dénonciation dont ses concitoyens pourraient, tôt ou tard, chercher à la rendre responsable… Les municipalités ne sont plus maîtresses de se refuser à rien. » Dans les campagnes surtout, le maire ou syndic, qui est un laboureur, songe d’abord à ne point se faire d’ennemis, et renoncerait à sa place, si elle devait lui attirer « des désagréments ». Dans les villes et notamment dans les grandes cités, son administration est presque aussi molle et encore plus précaire ; car la matière explosible y est plus accumulée, et les officiers municipaux, sur leurs fauteuils à l’hôtel de ville, siègent sur une mine qui, tous les jours, peut sauter. Demain peut-être une motion jetée dans une auberge des faubourgs, un journal incendiaire arrivé de Paris, fournira l’étincelle. — Contre la populace, ils n’ont d’autre défense que les proclamations sentimentales de l’Assemblée nationale, la présence inutile de troupes qui regarderont faire, le secours incertain d’une garde nationale qui arrivera trop tard. Parfois alors, ces bourgeois, devenus souverains, poussent un cri de détresse sous la main du souverain de la rue qui les tient à la gorge. Au Puy-en-Velay[2], dans

  1. Archives nationales, F7, 3253. (Lettre des députés de la commission intermédiaire d’Alsace, 8 septembre 1789.)
  2. Archives nationales, D, XXIX, I, (Lettre des curés, consuls, conseillers au présidial et principaux négociants du Puy-en-Velay, 16 septembre 1789.) — H, 1453. (Lettre de l’intendant d’Alençon, 18 juillet.) « Je ne dois pas vous laisser ignorer les émeutes multipliées que nous éprouvons dans toutes les parties