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LA RÉVOLUTION


Toute autorité, toute force, tout moyen de contrainte et d’intimidation est entre leurs mains, entre leurs mains seules, et, dans l’interrègne effectif de tous les pouvoirs légaux, ces mains souveraines n’ont pour se guider que les suggestions folles ou meurtrières de la faim ou du soupçon.

V

Il serait trop long de raconter toutes leurs violences, convois arrêtés, blés pillés, meuniers et marchands de grains pendus, décapités, massacrés, fermiers sommés sous menace de mort de livrer jusqu’à leur réserve de semence, propriétaires rançonnés, maisons saccagées[1]. Impunis, tolérés, excusés ou mal réprimés, les attentats se répètent et se propagent d’abord contre les personnes et les propriétés publiques. Selon l’usage, la canaille marche en tête et marque à son empreinte toute l’insurrection.

Le 19 juillet, à Strasbourg, sur la nouvelle que Nec-

  1. Archives nationales, H, 1453. Lettres de M. Amelot, 17 et 24 juillet. « Plusieurs riches particuliers de la ville (Auxonne) ont été rançonnés par cette troupe, dont la majeure partie se composait de brigands. » — Lettre de neuf cultivateurs de Breteuil (Picardie), 23 juillet. Tous leurs greniers ont été pillés la veille jusqu’au dernier grain. « On menace de piller nos récoltes et de mettre le feu à nos granges quand elles seront pleines. M. Tassard, notaire, a été visité dans sa maison par la populace et menacé d’être tué. » Lettre de Moreau, procureur du roi en la sénéchaussée de Bar-le-Duc, 15 septembre 1797, D, XXIX. 1. « Le 27 juillet, le peuple s’est soulevé, a assassiné de la manière la plus cruelle un négociant qui faisait le commerce des blés. Le 27 et le 28, sa maison et celle d’un autre ont été saccagées, etc. »