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LA RÉVOLUTION


des alentours, qui font seuls cette expédition ; on les retrouve au premier rang dans toutes les violences, et il n’est pas difficile de prévoir que, sous leur conduite, les attentats contre les personnes et les propriétés publiques vont se continuer par des attentats contre les personnes et les propriétés privées.

VII

En effet, il y a déjà une classe proscrite, et on lui a trouvé son nom : ce sont les aristocrates. Appliqué d’abord aux nobles et prélats qui, dans les États Généraux, se refusaient à la réunion des trois ordres, ce nom meurtrier s’est étendu jusqu’à comprendre tous ceux que leurs titres, leurs charges, leurs alliances, leur train de vie, distinguent de la multitude. Ce qui les recommandait au respect les désigne à la malveillance, et le peuple qui, tout en souffrant de leurs droits, n’avait point de haine pour leurs personnes, apprend à les considérer comme des ennemis. Chacun d’eux, dans sa terre, répond des mauvais desseins que l’on prête à ses pareils de Versailles, et, sur le faux bruit d’un complot au centre, les paysans le rangent parmi les conspirateurs[1]. Ainsi se prépare la jacquerie rurale, et les exaltés qui ont soufflé

  1. Archives nationales, D, XXIX, 1. Lettre de l’assesseur de la maréchaussée de Saint-Flour, 3 octobre 1789. Le 31 juillet, le bruit se répand que les brigands arrivent. Le 1er  août, les paysans s’arment. « Ils s’amusèrent à boire, en attendant l’arrivée des brigands ; les cervelles s’échauffèrent au point de se persuader que M. Le comte d’Espinchal était arrivé la veille à Massiac dé-