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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/142

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LA RÉVOLUTION


« prépondérante doit être ; les districts l’ont déléguée et en même temps retenue » ; chacun d’eux agit comme s’il était seul et souverain. — Il y a des pouvoirs secondaires, les comités de district, chacun avec son président, son greffier, son bureau, ses commissaires ; mais les attroupements de la rue marchent sans attendre leur ordre, et le peuple, qui crie sous leurs fenêtres, leur impose ses volontés. — Bref, dit encore Bailly, tout le monde « savait commander et personne obéir ».

« Qu’on imagine, écrit Loustalot lui-même, un homme dont chaque pied, chaque main, chaque membre aurait une intelligence et une volonté, dont une jambe voudrait marcher tandis que l’autre voudrait se reposer, dont le gosier se fermerait quand l’estomac demanderait des aliments, dont la bouche chanterait quand les yeux seraient appesantis par le sommeil, et l’on aura une image frappante de l’état de la capitale. » Il y a « soixante républiques[1] » dans Paris ; car chaque district est un pouvoir indépendant, isolé, qui ne reçoit aucun ordre sans le contrôler, et qui est toujours en désaccord, souvent en conflit, avec les autorités du centre ou avec les autres districts. Il reçoit les dénonciations, commande les visites domiciliaires, députe à l’Assemblée nationale, prend des arrêtés, placarde ses affiches, non seulement dans son quartier, mais dans toute la ville, et parfois même étend sa juridiction au delà de Paris. Tout est de son ressort, et notamment ce qui ne devrait pas en être.

  1. Montjoie, ch. lxx, 65.