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L’ANARCHIE SPONTANÉE


— Le 18 juillet, celui des Petits-Augustins[1] « arrête à lui tout seul qu’il sera établi des juges de paix » sous le nom de tribuns, procède sur-le-champ à l’élection des siens, et nomme l’acteur Molé. Le 30, celui de l’Oratoire annule l’amnistie accordée dans l’Hôtel de Ville par les représentants de la commune, et charge deux de ses membres d’aller à trente lieues de là prendre M. de Besenval. Le 19 août, celui de Nazareth donne des commissions pour saisir et conduire à Paris les armes déposées dans plusieurs places fortes. Dès le commencement, tous, en leur nom privé, envoient à l’Arsenal et « se font délivrer à volonté des cartouches et de la poudre ». D’autres s’arrogent le droit de surveiller l’Hôtel de Ville ou de gourmander l’Assemblée nationale. L’Oratoire arrête que les représentants de la commune seront invités à délibérer publiquement. Saint-Nicolas-des-Champs délibère sur le veto et fait prier l’Assemblée de suspendre son vote. — C’est un spectacle étrange que celui de tous ces pouvoirs qui se contredisent et se détruisent l’un par l’autre. Aujourd’hui l’Hôtel de Ville s’approprie cinq voitures de drap expédiées par le gouvernement, et le district Saint-Gervais s’oppose à la décision de l’Hôtel de Ville. Demain Versailles intercepte des grains destinés à Paris, et Paris menace, si on ne les lui restitue, de marcher sur Versailles. J’omets les incidents ridicules[2] : par essence, l’anar-

  1. Bailly, II, 74, 174, 242, 261, 282, 345, 392.
  2. Par exemple, les visites domiciliaires et les arrestations, qui semblent faites par des fous (Archives de la préfecture de police de Paris). — Et Montjoie, ch. lxx, 67. Expédition de la garde natio-


  la révolution. i.
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