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L’ANARCHIE SPONTANÉE


Foullon, on rapporte à Bailly que des gamins paradent dans la rue avec deux têtes de chat au bout d’une pique[1].

II

Pauvre monarque, et que sa souveraineté reconnue laisse plus misérable qu’auparavant ! Le pain est toujours rare, et aux portes des boulangers la queue ne diminue pas. En vain Bailly et son comité d’approvisionnement passent les nuits ; ils sont toujours dans les transes. — Pendant deux mois, chaque matin, il n’y a de farines que pour un jour ou deux ; quelquefois, le soir, on n’en a pas pour le lendemain[2]. La vie de la capitale dépend d’un convoi qui est à dix, quinze, vingt lieues, et qui peut-être n’arrivera pas : l’un, de vingt voitures, est pillé, le 18 juillet, sur la route de Rouen ; un autre, le 4 août, aux environs de Louviers. Sans le régiment suisse de Salis qui, depuis le 14 juillet jusqu’à la fin de septembre, marche nuit et jour pour faire escorte, aucun bateau de grains n’arriverait de Rouen à Paris[3]. — Il y a danger de mort pour les commissaires chargés de faire les achats ou de surveiller les expéditions. Ceux qu’on envoie à Provins sont saisis, et il faut, pour les délivrer, mettre en marche une colonne de quatre cents hommes avec du canon. Celui qu’on dépêche à Rouen apprend qu’il sera pendu, s’il ose entrer ; à

  1. Bailly, II, 274 (16 août).
  2. Bailly, II, 83, 202, 230, 235, 283, 299.
  3. Mercure de France, n° du 26 septembre. — E. et J. de Goncourt, 111.