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L’ANARCHIE SPONTANÉE


« aller à Versailles exterminer les gardes du corps et le régiment de Flandre, qui ont foulé aux pieds la cocarde nationale. Si le roi de France est trop faible pour porter sa couronne, qu’il la dépose ; nous couronnerons son fils, et tout ira mieux ». En vain La Fayette refuse, et vient haranguer sur la place de Grève ; en vain, pendant plusieurs heures, il résiste, tantôt parlant, tantôt imposant silence. Des bandes armées, parties des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau, grossissent la foule ; on le couche en joue ; on prépare la lanterne. Alors, descendant de cheval, il veut rentrer à l’Hôtel de Ville ; mais ses grenadiers lui barrent le passage : « Morbleu ! général, vous resterez avec nous ; vous ne nous abandonnerez pas ». Étant leur chef, il faut bien qu’il les suive ; c’est aussi le sentiment des représentants de la Commune à l’Hôtel de Ville ; ils envoient l’autorisation et même l’ordre de partir, « vu qu’il est impossible de s’y refuser ». — Quinze mille hommes arrivent ainsi à Versailles, et, devant eux, avec eux, protégés par la nuit, des milliers de bandits. De son côté, la garde nationale de Versailles, qui entoure le château, et le peuple de Versailles, qui barre le passage aux voitures[1], ont fermé toute issue. Le roi est prisonnier dans son palais, lui, les siens, ses ministres, sa cour, et sans défense. Car, avec son optimisme ordinaire, il a confié les postes extérieurs du château aux soldats de

  1. Procédure criminelle du Châtelet. Déposition 24. Nombre de garçons bouchers courent après les voitures qui sortaient de la Petite-Écurie en criant : « Il faut empêcher le mâtin de partir. »


  la révolution. i.
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