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L’ANARCHIE SPONTANÉE


juillet, à Montereau, le marché est vide. « Les boulangers n’auraient pu cuire » si les officiers de police n’avaient porté le prix du pain à 5 sous la livre ; le seigle et l’orge que peut envoyer l’intendant « sont de la plus mauvaise qualité, pourris, et dans le cas d’occasionner des maladies dangereuses ; cependant la plupart des petits consommateurs sont réduits à la dure nécessité de faire usage de ces grains gâtés ». À Villeneuve-le-Roi, écrit le maire, « le seigle des deux derniers envois est d’un étique et noir qui ne se peut débiter sans froment ». À Sens, l’orge a « un goût de relent » si mauvais, que les acheteurs jettent au nez du subdélégué le détestable pain qu’il a fourni. À Chevreuse, l’orge est germée et d’odeur infecte ; « il faut, dit un employé, que les malheureux soient bien pressés de la faim pour la prendre ». À Fontainebleau, « le seigle, à moitié mangé, produit plus de son que de farine », et pour en faire du pain, on est obligé de « le manutentionner plusieurs fois ». Ce pain, tel quel, est un objet de convoitises furieuses : « on en vient à ne plus le distribuer que par guichets » ; encore ceux qui ont obtenu ainsi leur ration « sont souvent assaillis en route, « et dépouillés par des affamés plus vigoureux ». À Nangis, « les magistrats défendent à la même personne d’acheter plus de deux boisseaux au même marché ». — Bref, les subsistances sont si rares, qu’on ne sait com-

    diaire de Montereau, 9 juillet 1789 ; du maire de Villeneuve-le-Roi, 10 juillet ; de M. Baudry, 10 juillet ; de M. Jamin, 11 juillet ; de M. Priorau, 11 juillet, etc.) Montjoie, Histoire de la révolution de France, 2e partie, ch. xxi, 5.