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LA RÉVOLUTION


ou six cents sont compétents. Quant à la situation de chaque classe, à ses idées, à ses sentiments, à l’espèce et au degré de sa culture, il nous a fallu pour l’esquisser un gros volume. — Encore un trait, et le plus important de tous. Ces hommes si différents entre eux sont bien loin d’être indépendants et de contracter entre eux pour la première fois. Depuis huit cents ans, eux et leurs ancêtres font un corps de nation, et c’est grâce à cette communauté qu’ils ont pu vivre, se propager, travailler, acquérir, s’instruire, se policer, accumuler tout l’héritage de bien-être et de lumières dont ils jouissent aujourd’hui. Chacun d’eux est dans cette communauté comme une cellule dans un corps organisé. Sans doute le corps n’est que l’ensemble des cellules ; mais la cellule ne naît, ne subsiste, ne se développe et n’atteint ses fins personnelles que par la santé du corps entier. Son premier intérêt est donc la prospérité de l’organisme, et toutes les petites vies partielles, qu’elles le sachent ou qu’elles l’ignorent, ont pour besoin fondamental la conservation de la grande vie totale dans laquelle elles sont comprises comme des notes dans un concert. — Non seulement pour elles c’est là un besoin, mais encore c’est là un devoir. Chaque individu naît endetté envers l’État, et, jusqu’à l’âge adulte, sa dette ne cesse de croître ; car c’est avec la collaboration de l’État, sous la sauvegarde des lois, grâce à la protection des pouvoirs publics, que ses ancêtres, puis ses parents, lui ont transmis la vie, les biens, l’éducation. Ses facultés, ses idées, ses sentiments,