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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


« devenues l’apanage des financiers, des négociants et de leurs descendants ; les fiefs, pour la plupart, sont entre les mains des bourgeois des villes », et tous les fiefs qui, depuis deux siècles, ont été achetés par des hommes nouveaux, représentent maintenant l’épargne et le travail de leurs acquéreurs. — D’ailleurs, quels que soient les détenteurs actuels, hommes nouveaux ou hommes anciens, l’État est engagé envers eux, non seulement à titre général et parce que, dès l’origine, il est par institution le gardien de toutes les propriétés, mais encore à titre spécial et parce qu’il a lui-même autorisé cette propriété particulière. Les acheteurs d’hier ne l’ont payée que sous sa garantie ; il a signé au contrat et s’est obligé à les faire jouir. S’il les en empêche, qu’il les dédommage ; à défaut de la chose promise, il en doit la valeur. Telle est la règle en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique ; en 1834, pour abolir légitimement l’esclavage, les Anglais ont donné 500 millions à leurs planteurs. — Mais cela ne suffit pas, et, dans la suppression des droits féodaux, quand le législateur s’est préoccupé des créanciers, il n’a fait encore que la moitié de sa tâche ; l’opération a deux faces : il faut aussi qu’il songe aux débiteurs. S’il n’est pas un simple amateur d’abstractions et de belles phrases, si ce qui l’intéresse ce sont les hommes et non les mots, s’il a pour but l’affranchissement effectif du cultivateur et de la terre, il ne se contentera pas de proclamer un principe, de permettre le remboursement des redevances, de fixer le taux du rachat, et, en cas de