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LA RÉVOLUTION


Quand la commission ecclésiastique supprimait un ordre, ce n’était pas pour adjuger ses biens au trésor public, mais pour les appliquer à des séminaires, à des écoles, à des hospices. En 1789, les revenus de Saint-Denis défrayaient Saint-Cyr ; ceux de Saint-Germain allaient aux Économats ; et le gouvernement, même absolu et besogneux, gardait assez de probité pour comprendre que la confiscation est un vol. Plus on est puissant, plus on est tenu d’être juste, et l’honnêteté finit toujours par devenir la meilleure politique. — Il est donc juste et utile que l’Église, comme en Angleterre et en Amérique, que l’enseignement supérieur, comme en Angleterre, en Allemagne et en Amérique, que les diverses fondations d’assistance et d’utilité publique soient maintenues indéfiniment en possession de leur héritage. Exécuteur testamentaire de la succession, l’État abuse étrangement de son mandat lorsqu’il la met dans sa poche pour combler le déficit de ses propres caisses, pour la risquer dans de mauvaises spéculations, pour l’engloutir dans sa propre banqueroute, jusqu’à ce qu’enfin, de ce trésor énorme amassé pendant quarante générations pour les enfants, pour les infirmes, pour les malades, pour les pauvres, pour les fidèles, il ne reste plus de quoi payer une maîtresse dans une école, un desservant dans une paroisse, une tasse de bouillon dans un hôpital[1].

À toutes ces raisons l’Assemblée reste sourde, et ce

  1. Félix Rocquain, La France après le 18 brumaire (rapports des conseillers d’État envoyés en mission), passim.