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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/284

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LA RÉVOLUTION


principe abstrait a révélé par degrés sa vertu exterminatrice. Grâce à lui, il n’y a plus en France que des individus dispersés, impuissants, éphémères : en face d’eux, le corps unique et permanent qui a dévoré tous les autres, l’État, véritable colosse, seul debout au milieu de tous ces nains chétifs.

Substitué aux autres, c’est lui qui désormais se charge de leur office, et va bien employer l’argent qu’ils employaient mal. — En premier lieu il abolit la dîme, non point graduellement et moyennant rachat, comme en Angleterre, mais tout d’un coup et sans indemnité, à titre d’impôt illégitime et abusif, à titre de taxe privée perçue par des particuliers en froc ou en soutane sur les particuliers en blouse, à titre d’usurpation vexatoire et pareille aux droits féodaux. L’opération est radicale et conforme aux principes. — Par malheur, elle est si grossièrement enfantine, qu’elle va contre son propre objet. En effet, depuis Charlemagne, toutes les terres, incessamment vendues et revendues, ont toujours payé la dîme, et n’ont jamais été achetées que sous cette charge, qui est environ un septième du revenu net. Ôtez cette charge, vous ajoutez un septième au revenu du propriétaire, par conséquent un septième à son capital. Vous lui donnez 100 francs, si sa terre en vaut 700,

    tard ; les biens des hôpitaux étaient à cette date estimés 800 millions. — Déjà en 1791 (Séance du 30 janvier), M. de la Rochefoucauld-Liancourt disait à l’Assemblée : « Rien ne peut mieux rassurer les pauvres que de voir la nation s’emparer du droit de leur donner des secours. » En conséquence, il propose de déclarer à la disposition de la nation les biens de tous les hôpitaux et de tous les instituts de bienfaisance. (Mercure, no du 12 février 1791.)