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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


sond, le second envoie les gendarmes contre le premier, et la persécution commence. — Par un renversement étrange, c’est la majorité qui la subit, et c’est la minorité qui l’exerce. Partout la messe du curé constitutionnel est désertée[1]. En Vendée, sur cinq à six cents paroissiens, il a dix ou douze assistants ; le dimanche et les jours de fête, on voit des villages et des bourgs entiers aller à une et deux lieues entendre la messe orthodoxe ; les villageois disent que « si on leur rend leur ancien curé, ils payeront volontiers double imposition ». — En Alsace, « les neuf dixièmes au moins des catholiques refusent de reconnaître les prêtres assermentés ». Même spectacle en Franche-Comté, dans l’Artois et dans dix autres provinces. — À la fin, comme dans un composé chimique, le départ s’est fait. Autour de l’ancien curé sont rangés tous ceux qui sont ou redeviennent croyants, tous ceux qui, par conviction ou tradition, tiennent aux sacrements, tous ceux qui, par habitude ou foi, ont envie ou besoin d’entendre la messe. Le nouveau curé n’a pour auditeurs que des sceptiques, des déistes, des indifférents, gens du club, membres de l’administration, qui viennent à l’église comme à l’hôtel de ville ou à la société populaire, non par zèle religieux, mais par zèle politique, et qui soutiennent l’intrus pour soutenir la Constitution.

Cela ne lui fait pas des sectateurs très fervents, mais

  1. Buchez et Roux, XII, 77. Rapport de Gallois et Gensonné envoyés dans la Vendée et les Deux-Sèvres (25 juillet 1791). — Archives nationales, F7, 3253. Lettre du directoire du Bas-Rhin