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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/32

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LA RÉVOLUTION


cette fois, espérant qu’au prochain marché les soldats seront plus nombreux et les précautions mieux prises. À Amiens, « après une émeute fort vive[1] », ils se décident à prendre le blé des Jacobins et à le vendre au peuple, dans une enceinte de troupes, à un tiers au-dessous de sa valeur. À Nantes, où l’hôtel de ville est envahi, ils sont contraints de baisser le prix du pain de 1 sou par livre. À Angoulême, pour éviter le recours aux armes, ils demandent au comte d’Artois de renoncer, pendant deux mois, à son droit sur les farines, et taxent le pain en dédommageant les boulangers. À Cette, ils sont tellement maltraités, qu’ils lâchent tout : le peuple a saccagé leurs maisons et leur commande ; ils font publier à son de trompe que toutes ses demandes lui sont accordées. — D’autres fois, la foule se dispense de leur ministère, agit d’elle-même. Si les grains manquent sur le marché, elle va les chercher où ils se trouvent, chez les propriétaires et les fermiers qui ne veulent pas les apporter par crainte du pillage, dans les couvents de religieux qui, par un édit du roi, sont tenus d’avoir toujours en magasin une année de leur récolte, dans les greniers où le gouvernement conserve ses approvisionnements, dans les convois que l’intendant expédie aux villes affamées. Chacun pour soi ; tant pis pour le voisin. Les gens de Fougères battent et expulsent ceux d’Ernée qui viennent acheter à leur marché ; mêmes violences à Vitré contre les habitants

  1. Archives nationales, H, 1453. Lettre de l’intendant, M. d’Agay, 30 avril ; des officiers municipaux de Nantes, 9 janvier ; de l’intendant. M. de Meulan d’Ablois, 22 juin ; de M. de Ballainvilliers, 15 avril.