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LA RÉVOLUTION


« tout ce qui leur agrée. » — Au sud de Chartres, « trois ou quatre cents bûcherons, sortis des forêts de Bellème, hachent tout ce qui leur résiste, et se font donner le grain au prix qu’ils veulent ». — Aux environs d’Étampes, quinze bandits entrent la nuit dans les fermes et rançonnent le fermier en le menaçant d’incendie. — Dans le Cambrésis, ils pillent les abbayes de Vaucelles, du Verger et de Guillemans, le château du marquis du Besselard, la terre de M. d’Oisy, deux fermes, les voitures de blé qui passent sur le chemin de Saint-Quentin, et, outre cela, sept fermes dans la Picardie. « Le foyer de cette révolte est dans quelques villages limitrophes de la Picardie et du Cambrésis, accoutumés à la contrebande et à la licence de cette profession. » Les paysans se sont laissé racoler par les bandits ; l’homme glisse vite sur la pente du vol ; tel demi-honnête, engagé par mégarde ou malgré lui dans une émeute, recommence, alléché par l’impunité ou par le gain. En effet, « ce n’est pas l’extrême besoin qui les excite ». Ils font « une spéculation de cupidité, un nouveau genre de contrebande ». Un ancien carabinier, le sabre à la main, un garde-bois et « une huitaine de personnes assez aisées se mettent à la tête de 400 à 500 hommes, se rendent chaque jour dans trois ou quatre villages, forcent tous ceux qui ont du blé à le donner à 24 livres », et même à 18 livres le sac. Les gens de la bande qui disent n’avoir pas d’argent emportent leur part sans payer. Les autres, après avoir payé ce qu’il leur plaît, revendent à bénéfice et jusqu’à 45 livres le sac : affaire excellente et dans