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L’ANARCHIE SPONTANÉE


La première des propriétés, celle des subsistances, est violée en mille endroits, et partout menacée, précaire. Partout les intendants et les subdélégués appellent à l’aide, déclarent la maréchaussée impuissante, réclament des troupes régulières. Et voilà que la force publique, insuffisante, dispersée, chancelante, trouve ameutés contre elle, non seulement les fureurs aveugles de la faim, mais encore les instincts malfaisants qui profitent de tout désordre, et les convoitises permanentes que tout ébranlement politique délivre de leur frein.

IV

Contrebandiers, faux-sauniers, braconniers, vagabonds, mendiants, repris de justice, on a vu[1] combien ils sont nombreux et ce qu’une seule année de disette ajoute à leur nombre. Ce sont là autant de recrues pour les attroupements, et, dans l’émeute, à côté de l’émeute, chacun d’eux emplit son sac. « Dans le pays de Caux[2] et jusqu’aux environs de Rouen, à Roncherolles, Quévreville, Préaux, Saint-Jacques et en tous les lieux d’alentour, des bandes de brigands armés forcent les maisons, les presbytères de préférence, et y font main basse sur

  1. L’Ancien régime. II, 282 à 297.
  2. Floquet, VII, 508 (Rapport du 27 février). — Hippeau, le Gouvernement de Normandie, IV, 577. Lettre de M. Perrot, 23 juin. — Archives nationales, H, 1453. Lettre de M. de Sainte-Suzanne, 29 avril. — Ib., F7, 3250. Lettre de M. de Rochambeau, 16 mai. — Ib., F7, 3185. Lettre de l’abbé Duplaquet, député du tiers-état de Saint-Quentin, 17 mai. Lettre de trois laboureurs des environs de Saint-Quentin, 14 mai.