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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 3, 1909.djvu/45

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L’ANARCHIE SPONTANÉE


chapelle, l’autel, les grilles et les armoiries, entrent dans les caves, défoncent les tonneaux, emportent tout ce qui peut être emporté : « le transport dura deux jours » ; c’est pour le marquis un dommage de cent mille écus. — À Riez, ils entourent le palais épiscopal de fascines en menaçant de l’incendier, « reçoivent l’évêque à composition moyennant une promesse de cinquante mille livres », et veulent qu’il brûle ses archives. — Ils détruisent le château du prévôt de Pignan, ils cherchent l’évêque de Toulon pour le tuer. — Bref, la sédition est sociale, car elle s’attaque à tous ceux qui profitent ou commandent dans l’ordre établi.

Aussi bien, à les voir agir, on dirait que la théorie du Contrat social leur est infuse. Ils traitent les magistrats en domestiques, édictent des lois, se conduisent en souverains, exercent la puissance publique, et sommairement, arbitrairement, brutalement, établissent ce qu’ils croient conforme au droit naturel. — À Peynier, ils exigent une seconde assemblée électorale et, pour eux, le droit de suffrage. — À Saint-Maximin, ils élisent eux-mêmes de nouveaux consuls et officiers de justice. — À Solliès, ils obligent le lieutenant du juge à donner sa démission, et cassent son bâton de viguier. — À Barjols, « ils font des consuls et des juges leurs valets de ville, annoncent qu’ils sont les maîtres et qu’ils rendront la justice » eux-mêmes. — De fait, ils la rendent telle qu’ils la conçoivent, c’est-à-dire à travers beaucoup d’exactions et de vols. Tel a du blé : il doit partager avec celui qui en manque. Tel a de l’argent : il doit en donner