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LA RÉVOLUTION


« prend au collet en criant « Tais-toi, mauvais citoyen ». On dégagea Malouet, la garde accourut ; « mais la terreur s’était répandue dans la salle, les menaces suivirent les opposants, et le lendemain nous ne fûmes que quatre-vingt-dix ». Aussi bien, la liste de leurs noms avait couru ; quelques-uns, députés de Paris, vinrent trouver Bailly le soir même : l’un d’eux, très honnête homme et bon patriote », avait été averti qu’on devait mettre le feu chez lui ; or sa femme venait d’accoucher, et le moindre tumulte devant la maison eût été mortel pour la malade. De pareils arguments sont décisifs. — En effet, trois jours après, au serment du Jeu de Paume, un seul député, Martin d’Auch, ose écrire à la suite de son nom : « opposant ». Insulté par plusieurs de ses collègues, « dénoncé sur-le-champ au peuple qui s’est attroupé à l’entrée de la salle, il est obligé de se sauver par une porte détournée pour éviter d’être mis en pièces », et, pendant quelques jours, de ne plus revenir aux séances[1]. — Grâce à cette intervention des galeries, la minorité radicale, trente membres environ[2], conduit la majorité, et ne souffre

  1. Lettres de M. Boullé, 23 juin. « Quel moment sublime que celui où nous nous lions, avec enthousiasme, à la patrie par un nouveau serment !… Pourquoi faut-il qu’un de nos membres ait choisi cet instant pour se déshonorer ? Son nom est maintenant flétri dans toute la France, et le malheureux à des enfants ! Couvert à l’instant de tout le mépris public, il sort et tombe en faiblesse à la porte en s’écriant : « Ah ! j’en mourrai ! » Je ne sais ce qu’il est devenu depuis. Ce qu’il y a d’étrange, c’est qu’il ne s’était pas mal montré jusqu’alors et qu’il avait voté pour la Constitution. »
  2. Ferrières, I, 168. — Malouet, I, 298 (selon lui, la faction ne