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L’ANARCHIE SPONTANÉE


« pas, dit Bailly[1], résister au peuple qui, huit jours auparavant, avait pris la Bastille. » — En vain, après les deux derniers meurtres, Bailly et La Fayette indignés menacent de se retirer ; on les oblige à demeurer ; leur protection, telle quelle, est la seule qui reste, et, si la garde nationale n’empêche pas tous les meurtres, du moins elle en empêche quelques-uns. On vit ainsi, comme on peut, sous l’attente continuelle de nouveaux coups de main populaires. « Pour tout homme impartial, écrit Malouet, la Terreur date du 14 juillet. » — Le 17, avant de partir pour Paris, le roi communie et fait ses dispositions en prévision d’un assassinat. — Du 16 au 18, vingt personnages du premier rang, entre autres la plupart de ceux dont le Palais-Royal a mis la tête à prix, quittent la France, comte d’Artois, maréchal de Broglie, princes de Condé, de Conti, de Lambesc, de Vaudémont, comtesse de Polignac, duchesses de Polignac et de Guiche. — Le lendemain des deux meurtres, M. de Crosne, M. Doumerc, M. Sureau, les membres les plus zélés et les plus précieux du comité des subsistances, tous les préposés aux achats et aux magasins se cachent ou s’enfuient. — La veille des deux meurtres, sur une menace d’insurrection, les notaires de Paris ont dû avancer 45 000 francs promis aux ouvriers du faubourg Saint-Antoine, et le trésor public, presque vide, se saigne de 30 000 livres par jour pour diminuer le prix du pain. — Personnes et biens, grands et petits, particu-

  1. Bailly, II, 95, 108. — Malouet, II, 14.