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LA RÉVOLUTION


se débandent et se dispersent ; aucun signal ne rassemble les autres ; malgré les règlements, la générale n’est point battue. « La majeure partie de la garde nationale s’éloigne, afin de ne point paraître autoriser par sa présence les attentats qu’elle n’a pas l’ordre d’empêcher. Les citoyens paisibles sont dans la consternation » ; chacun fuit ou s’enferme chez soi ; les rues sont désertes et silencieuses. — Cependant la porte de la prison est ébranlée par les coups de hache. Le procureur-syndic du département, qui invite le commandant des Suisses à protéger les prisonniers, est empoigné, emmené, et court risque de la vie. Trois officiers municipaux, qui arrivent en écharpe, n’osent donner l’ordre que réclame le commandant : faire couler le sang, faire tuer tant d’hommes ; il est clair qu’en ce moment décisif leur responsabilité leur fait peur. « Nous n’avons pas d’ordres à donner. » — Alors, dans cette cour de caserne qui entoure la prison, un spectacle extraordinaire se déroule. Du côté de la loi sont huit cents hommes armés, les quatre cents Suisses et les quatre cents gardes nationaux de Marseille, tous rangés en bataille et le fusil au bras, avec une consigne expresse, répétée la veille et à trois reprises par la municipalité, par le district, par le département, avec les sympathies de tous les habitants honnêtes et de la majeure partie de la garde nationale. Mais la phrase légale et indispensable ne sort point des lèvres qui, en vertu de la Constitution, ont charge de la prononcer, et une petite troupe de force-