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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


duit ses fruits, qui sont l’hostilité, la haine, les pensées homicides et incendiaires. À force de regarder le château, le village y voit une Bastille armée qu’il faut prendre, et, au lieu de saluer le seigneur, il ne songe plus qu’à lui tirer un coup de fusil.

Suivons en détail une de ces histoires locales[1]. Au mois de juillet 1789, pendant la jacquerie du Mâconnais, la paroisse de Villiers a réclamé l’aide de son seigneur, M. de Bussy, ancien colonel de dragons ; il est revenu, il a donné à dîner aux gens du village, il a essayé de les former en garde bourgeoise contre les incendiaires et les brigands : avec les hommes de bonne volonté, il a « fait patrouille tous les soirs pour tranquilliser sa paroisse ». Le bruit ayant couru « qu’on empoisonnait les puits », il a mis des gardes à tous les puits, excepté aux siens, afin de « prouver que c’était pour sa paroisse qu’il travaillait, et non pour lui ». Bref, il a fait de son mieux pour se concilier les villageois et pour les employer au salut commun. — Mais, à titre de seigneur et de militaire, il est suspect, et c’est Perron, syndic de la commune, que maintenant la commune écoute. Perron annonce que, le roi « ayant retiré sa parole jurée », on ne peut plus avoir confiance en lui, ni par conséquent en ses officiers et gentilshommes. M. de Bussy proposant aux gardes nationaux de secourir le château du Thil qui brûle, Perron les en empêche :

  1. Archives nationales, F7, 3757. Procès-verbaux, interrogatoires et correspondances relatives à l’affaire de M. de Bussy (octobre 1790).