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LA RÉVOLUTION


« C’est la noblesse et le clergé, dit-il, qui allument les incendies. » M. de Bussy insiste, supplie, offre d’abandonner « son terrier », c’est-à-dire tous ses droits seigneuriaux, si l’on veut marcher avec lui pour arrêter le fléau ; on refuse. Il persévère, et, ayant appris que le château de Juillenas est en péril, il réunit, à force d’instances, cent cinquante hommes de sa paroisse, marche avec eux, arrive, sauve le château qu’un attroupement voulait incendier. Mais l’effervescence populaire qu’il vient de calmer à Juillenas a gagné sa propre troupe ; les brigands ont séduit ses hommes, « ce qui l’oblige à les remmener, et, tout le long de la route, on fait des motions pour lui tirer dessus ». — Revenu au logis, il est menacé jusque chez lui ; une bande vient attaquer son château, puis, le trouvant en défense, demande qu’on la laisse aller à celui de Courcelles. — Au milieu de toutes ces violences, M. de Bussy, avec une quinzaine d’amis et de serviteurs, parvient à se préserver, et, à force de patience, d’énergie, de sang-froid, sans tuer ni blesser un seul homme, finit par rétablir la sûreté dans tout le canton. La jacquerie s’apaise, il semble que l’ordre nouveau va s’affermir ; il fait revenir Mme de Bussy, et quelques mois s’écoulent. — Mais les imaginations populaires sont empoisonnées, et, quoi que fasse un gentilhomme, il n’est plus toléré dans sa terre. À quelques lieues de là, le 29 avril 1790, M. de Bois-d’Aisy, député à l’Assemblée nationale, revenait dans sa paroisse pour voter aux élections nouvelles[1].

  1. Mercure de France, 15 mai 1790 (lettre du baron de Bois-