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LA RÉVOLUTION


M. Guillin-Dumontet, n’ont pas été aussi heureux.

Celui-ci, jadis capitaine d’un vaisseau de la Compagnie des Indes, puis commandant au Sénégal, maintenant retiré de la vie active, habitait son château de Poleymieux, avec sa jeune femme et ses deux enfants en bas âge, ses sœurs, ses nièces et sa belle-sœur : en tout dix femmes de sa famille et de son service, un domestique nègre, et lui-même vieillard de plus de soixante ans[1] ; voilà le repaire de conspirateurs militants qu’il faut désarmer au plus vite. — Par malheur, un frère de M. Guillin, accusé de lèse-nation, a été arrêté dix mois auparavant, et cela suffit aux clubs du voisinage. Déjà, au mois de décembre 1790, le château a été fouillé par les paroisses environnantes ; elles n’ont rien trouvé, et le département a blâmé, puis interdit ces perquisitions arbitraires. Cette fois elles s’y prendront mieux. — Le 26 juin 1791, à dix heures du matin, on voit approcher la municipalité de Poleymieux avec deux autres en écharpe et trois cents gardes nationaux, toujours sous le prétexte de rechercher les armes. Mme Guillin se présente, leur rappelle la défense du département, demande l’ordre légal qui les autorise. On refuse. M. Guillin descend à son tour, offre d’ouvrir si on lui présente cet ordre. On n’a pas d’ordre à lui montrer. — Pendant le colloque, un certain Rosier, ancien soldat qui a déserté deux fois et qui maintenant commande

  1. Mercure de France, 20 août 1791, article de Mallet du Pan. « Tous les traits du tableau que je viens d’esquisser m’ont été fournis par Mme Dumontet elle-même. » Je suis « autorisé par sa signature à garantir l’exactitude de ce récit ».