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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


une garde nationale, saisit M. Guillin au collet : le vieux capitaine se défend, menace l’autre d’un pistolet qui ne part pas, et, se débarrassant des mains qui le serrent, rentre en refermant la porte. — Aussitôt le tocsin sonne aux environs, trente paroisses s’ébranlent, deux mille hommes arrivent. Mme Guillin, suppliante, obtient que des délégués, choisis par la foule, feront la visite du château. Ces délégués, après avoir parcouru tous les appartements, déclarent qu’ils n’y ont trouvé que des armes ordinaires. Déclaration inutile : la multitude s’est échauffée par l’attente ; elle sent sa force et n’entend pas retourner à vide. Une grêle de coups de fusil crible les fenêtres du château. — Par un dernier effort, Mme Guillin, tenant ses deux enfants dans ses bras, sort, arrive jusqu’aux officiers municipaux, les somme de faire leur devoir. Bien loin de là, ils la retiennent afin d’avoir un otage, et la placent de façon qu’elle reçoive les balles, si l’on tire du château. — Cependant les portes sont enfoncées, la maison est pillée de fond en comble, puis incendiée ; M. Guillin, qui s’est réfugié dans le donjon, va être atteint par les flammes. À ce moment quelques-uns des assaillants, moins féroces que les autres, l’encouragent à descendre, répondent de sa vie ; à peine s’est-il montré, que les autres se jettent sur lui ; on crie qu’il faut le tuer, qu’il a 36 000 francs de rente viagère sur l’État, que « ce sera autant de gagné pour la Nation » ; « on le hache en pièces vivant » ; on lui coupe la tête, on la porte au bout d’une pique, on dépèce son cadavre, on envoie un morceau du