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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


À Tulle[1], M. de Massey, lieutenant de Royal-Navarre, qui a frappé un insulteur, est saisi dans la maison où il s’est réfugié, et, malgré les trois corps administratifs, massacré sur-le-champ. À Brest, deux caricatures antirévolutionnaires ayant été charbonnées sur les murs du café militaire, la foule ameutée s’en prend à tous les officiers. L’un d’eux, M. Patry, se dénonce, et, sur le point d’être déchiré, veut se tuer lui-même. On le désarme ; mais, quand la municipalité arrive à son secours, elle trouve qu’il « vient d’expirer d’un nombre infini de blessures », et voit sa tête promenée au bout d’une pique[2]. — Mieux vaudrait vivre sous un roi d’Orient ; car il n’est point partout, ni toujours furieux et fou comme la populace. Ni dans la vie publique, ni dans la vie privée, ni à la campagne, ni à la ville, ni réunis, ni séparés, les nobles ne sont à l’abri. Comme un nuage noir et menaçant, l’hostilité populaire pèse sur eux, et, d’un bout à l’autre du territoire, l’orage s’abat par une grêle continue de vexations, d’outrages, de diffamations, de spoliations et de violences ; çà et là, et presque journellement, des coups de tonnerre meurtriers tombent au hasard sur la tête la plus inoffensive, sur un vieux gentilhomme endormi, sur un chevalier de Saint-Louis

  1. Mercure de France, no du 28 mai 1791. À la fête de la Fédération, M. de Massey n’avait pas voulu commander à ses cavaliers de mettre leurs chapeaux au bout de leurs sabres, manœuvre difficile. Pour ce fait, on l’avait accusé de lèse-nation, et il avait dû quitter Tulle pendant plusieurs mois. — Archives nationales, F7, 3204. Extrait des minutes du tribunal de Tulle, 10 mai 1791.
  2. Archives nationales, F7, 3215. Procès-verbal des officiers municipaux de Brest, 23 juin 1791.