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LA RÉVOLUTION


qui se promène, sur une famille qui prie à l’église. Mais, dans cette noblesse écrasée par places et meurtrie partout, la foudre trouve un groupe prédestiné qui l’attire et sur lequel incessamment elle frappe : c’est le corps des officiers.

VI

Sauf un petit nombre de fats, habitués des salons, favoris de cour et portés aux premiers grades par des intrigues d’antichambre, c’est dans ce groupe, surtout dans les rangs moyens de ce groupe, que l’on trouvait alors le plus de noblesse morale. Nulle part en France il n’y avait tant de mérite éprouvé et solide ; un homme de génie qui les a fréquentés dans sa jeunesse leur a rendu ce témoignage : beaucoup d’entre eux étaient des gens « du caractère le plus aimable et de l’esprit le plus élevé[1] ». — En effet, pour la plupart, le service militaire n’était pas une carrière d’ambition, mais un devoir de naissance. Dans chaque famille noble, il était de règle qu’un fils fût à l’armée ; peu importait qu’il y avançât. Il payait la dette de son rang ; cela lui suffisait, et, après vingt ou trente ans de service, une croix de

  1. Mémoires de Cuvier (Éloges historiques par Flourens), I, 177. Cuvier, qui était alors au Havre (1788), avait fait des études supérieures dans une école administrative allemande. « M. de Surville, dit-il, officier au régiment d’Artois, était l’un des esprits les plus élevés et des caractères les plus aimables que j’aie rencontrés. Il y en avait beaucoup de ce genre parmi ses camarades, et je suis toujours étonné que de pareils hommes aient pu végéter dans les rangs obscurs de quelque régiment d’infanterie. »