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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


Trois semaines plus tard, le ministre de la guerre vient avertir l’Assemblée nationale que dans l’armée la licence n’a plus de bornes. « À chaque instant, il arrive des courriers porteurs d’une nouvelle plainte. » ici, on demande le compte des masses et l’on propose de les partager ». Ailleurs, une garnison, tambour battant, sort de la ville, dépose ses officiers, et rentre dans la ville le sabre à la main. Chaque régiment est gouverné par un comité de soldats : « c’est là que s’est deux fois préparée la détention du lieutenant-colonel de Poitou ; c’est là que Royal-Champagne a conçu l’insurrection » par laquelle il a refusé de reconnaître un sous-lieutenant qu’on lui envoyait. « Tous les jours, le cabinet du ministre est rempli de soldats députés vers lui qui viennent fièrement lui intimer les volontés de leurs commettants. » Enfin, à Strasbourg, sept régiments, représentés chacun par trois délégués, ont formé un congrès militaire. — Le même mois, éclate la terrible insurrection de Nancy : trois régiments révoltés, la populace avec eux, l’arsenal pillé, trois heures de combat furieux dans les rues,

    35. Lettres de M. de Dommartin (Metz, 4 août 1790). « La Fédération s’était passée tranquillement ici ; seulement, peu de temps après, des soldats d’un régiment se sont mis en tête de se partager la masse, et aussitôt ils placent des sentinelles à la porte de l’officier chargé de la caisse et l’obligent à désacquer. Un autre régiment a mis depuis tous ses officiers aux arrêts. Un troisième s’est mutiné et voulait conduire tous ses chevaux sur le marché pour les vendre… On entend partout les soldats dire que, lorsqu’ils manqueront d’argent, ils sauront bien en trouver. »


  la révolution. ii.
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