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LA RÉVOLUTION


noircissants du ciel. Tout le mal vient de cette soudure maladroite, gratuite, forcée, et, par conséquent, de ceux qui l’ont faite. — Mais jamais un parti vainqueur n’admettra qu’il ait pu se tromper. Aux yeux de celui-ci, les prêtres insermentés sont les seuls coupables ; il s’irrite contre leur conscience factieuse, et, pour écraser la rébellion jusque dans le sanctuaire inaccessible de la pensée intime, il n’est point de violence légale ou brutale à laquelle il ne se laisse emporter.

Voilà donc une nouvelle chasse ouverte, et le gibier est immense ; car il comprend non seulement toutes les robes noires ou grises, plus de quarante mille prêtres, plus de trente mille religieuses, plusieurs milliers de moines, mais encore tous les orthodoxes un peu fervents, c’est-à-dire toutes les femmes de la classe inférieure ou moyenne, et, sans compter la noblesse provinciale, la majorité de la bourgeoisie sérieuse et rangée, la majorité des paysans, la population presque entière de plusieurs provinces à l’Est, à l’Ouest et au Midi. On leur attache un nom, comme tout à l’heure aux nobles : c’est celui de fanatique, équivalent à celui d’aristocrate, car il désigne aussi des ennemis publics qu’il met aussi hors la loi. — Peu importe que la loi soit pour eux ; elle est interprétée contre eux, tordue arbitrairement, violée ouvertement par les administrations partiales ou intimidées que la Constitution soustrait à l’autorité du pouvoir central et soumet à l’autorité des attroupements populaires. Dès les premiers mois de 1791, la battue commence, et souvent les municipalités, les districts, les