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LA RÉVOLUTION


aggravant, et leur animosité n’a rien d’étrange. Le commerce est suspendu, l’industrie languit, l’artisan et le boutiquier souffrent, et, pour expliquer le malaise universel, ils ne trouvent que l’insubordination du prêtre. Sans son opiniâtreté, tout irait bien, puisque la Constitution est parfaite, et qu’il est seul à ne pas l’accepter. Mais, puisqu’il ne l’accepte pas, il l’attaque. Il est donc le dernier obstacle au bonheur public ; c’est le bouc émissaire ; sus à la bête noire, et l’on voit la milice urbaine, tantôt de son autorité privée, tantôt sous l’instigation de la municipalité complice, troubler les offices, disperser les congrégations, prendre les prêtres au collet, les pousser par les épaules hors de la ville, avec menace de la corde si jamais ils ont l’audace d’y rentrer. — À Douai[1], le fusil à la main, elle force le directoire du département à ordonner la fermeture de tous les oratoires et chapelles des hôpitaux et des couvents. — À Caen, fusils chargés et avec un canon, elle se met en marche contre la paroisse de Verson sa voisine, force des maisons, ramasse quinze suspects d’orthodoxie, chanoines, marchands, artisans, manœuvres, femmes, filles, vieillards, infirmes, leur coupe les cheveux, leur donne des coups de crosse, et les ramène à Caen attachés à la queue du canon, le tout parce qu’un prêtre insermenté officie encore à Verson et que, de Caen, beaucoup de personnes pieuses viennent à sa

  1. Archives nationales, F7, 3250. Procès-verbal du directoire du département, 18 mars 1791, avec toutes les pièces afférentes. — F7, 3200. Lettre du directoire du Calvados, 15 juin 1792, avec les interrogatoires. Les dégâts sont estimés 15 000 livres.