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LA RÉVOLUTION


« tés » : rien de plus naturel que ce raisonnement populaire. Il s’applique à l’officier municipal ceint de son écharpe, comme à l’officier de la garde nationale muni de son épaulette, parce que l’écharpe, comme l’épaulette, conférée par l’arbitraire des électeurs, leur semble toujours un don révocable à leur bon plaisir. Toujours, et notamment en cas de danger ou de grande émotion publique, le supérieur, s’il est directement nommé par ceux à qui il commande, leur apparaît comme leur commis. — Voilà l’autorité municipale, telle qu’elle est alors, intermittente, incertaine et débile, d’autant plus débile que l’épée, dont les hommes de l’hôtel de ville semblent tenir la poignée, ne sort pas toujours du fourreau à leur volonté. Eux seuls, ils requièrent la garde nationale ; mais elle ne dépend point d’eux, et ils ne disposent pas d’elle. Pour qu’ils puissent compter sur son aide, il faut que ses chefs indépendants veuillent bien obéir à la réquisition ; il faut que les hommes veuillent bien obéir à leurs officiers élus ; il faut que ces militaires improvisés consentent à quitter leur charrue, leur atelier, leur boutique ou leur bureau, à perdre leur journée, à faire patrouille la nuit, à recevoir des volées de pierres, à tirer sur une foule ameutée dont souvent ils partagent les colères ou les préjugés. — Sans doute ils feront feu quelquefois ; mais ordinairement ils resteront l’arme au bras. À la fin, ils se lasseront d’un service pénible, dangereux, perpétuel, odieux et pour lequel ils ne sont pas faits. Ils ne viendront pas, ou ils arriveront trop tard et en trop petit nombre. En