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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


où l’État ne peut entrer, parce qu’ils sont réservés à l’individu. Au contraire, dans la déclaration de l’Assemblée nationale, la plupart des articles ne sont que des dogmes abstraits, des définitions métaphysiques, des axiomes plus ou moins littéraires, c’est-à-dire plus ou moins faux, tantôt vagues et tantôt contradictoires, susceptibles de plusieurs sens et susceptibles de sens opposés, bons pour une harangue d’apparat et non pour un usage effectif, simple décor, sorte d’enseigne pompeuse, inutile et pesante, qui, guindée sur la devanture de la maison constitutionnelle et secouée tous les jours par des mains violentes, ne peut manquer de tomber bientôt sur la tête des passants[1]. — On n’a rien fait pour parer à ce danger visible. Rien de semblable ici à cette Cour suprême qui aux États-Unis est la gardienne de la Constitution, même contre le Congrès, qui, au nom de la Constitution, peut invalider en fait une loi même votée et sanctionnée par tous les pouvoirs et dans toutes les formes, qui reçoit la plainte du particulier lésé par la loi inconstitutionnelle, qui arrête la main du shérif ou du percepteur levée sur lui, et qui lui assigne sur eux des intérêts et dommages. On a proclamé des droits

  1. Article Ier. « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »

    La première phrase condamne la royauté héréditaire consacrée par la Constitution. Au moyen de la seconde phrase, on peut légitimer la monarchie et l’aristocratie héréditaires. — Articles 10 et 11 sur la manifestation des opinions religieuses, sur la liberté de la parole et de la presse. — En vertu de ces deux articles, on peut soumettre les cultes, la parole et la presse au régime le plus répressif, etc.