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LA RÉVOLUTION


indéfinis et discordants, sans pourvoir à leur interprétation, à leur application, à leur sanction. On ne leur a point ménagé d’organe spécial. On n’a point chargé un tribunal distinct d’accueillir leurs réclamations, de terminer leurs litiges légalement, pacifiquement, en dernier ressort, par un arrêté définitif qui devienne un précédent et serre le sens lâche du texte. On charge de tout cela tout le monde, c’est-à-dire ceux qui veulent s’en charger, en d’autres termes la minorité délibérante et agissante. — Ainsi, dans chaque ville ou bourgade, c’est le club local qui, avec l’autorisation du législateur lui-même, devient le champion, l’arbitre, l’interprète, le ministre des droits de l’homme, et qui, au nom de ces droits supérieurs, peut protester ou s’insurger, si bon lui semble, non seulement contre les actes légitimes des pouvoirs légaux, mais encore contre le texte authentique de la Constitution et des lois.

Considérez en effet ces droits tels qu’on les proclame, avec le commentaire du harangueur qui les explique au club, devant des esprits échauffés et entreprenants, ou dans la rue, devant une foule surexcitée et grossière. Tous les articles de la Déclaration sont des poignards dirigés contre la société humaine, et il n’y a qu’à pousser le manche pour faire entrer la lame[1]. — Parmi « ces droits naturels et imprescriptibles », le législateur a mis « la résistance à l’oppression ». Nous sommes

  1. Buchez et Roux, VI, 257 (Discours de Malouet à propos de la revision, 5 août 1791). « Vous donnez continuellement au peuple la tentation de la souveraineté, sans lui en confier immédiatement l’exercice. »