Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 4, 1910.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
63
LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


tionnel, d’opérer la transformation par laquelle la société nouvelle se substitue à la société ancienne, au milieu de tant de passions avides et de tant d’intérêts froissés. À elle de parer seule aux dangers perpétuels ou renaissants qui l’assaillent ou qu’elle imagine. — Ils sont grands, et elle se les exagère encore. Elle est alarmée et elle est novice. Rien d’étonnant si, dans cet exercice d’un pouvoir improvisé, elle outrepasse ses bornes naturelles ou légales, si elle franchit sans s’en apercevoir la limite métaphysique que la Constitution pose entre ses droits et les droits de l’État. La faim, la peur, la colère, aucune passion populaire ne sait attendre ; on n’a pas le temps d’en référer à Paris. Il faut agir, agir tout de suite et avec les moyens qu’on a ; on se sauve comme on peut. Tel maire de village va se trouver général et législateur. Telle petite ville se donne une charte, comme Laon ou Vézelay au douzième siècle. — Le 6 octobre 1789[1], près d’Autun, le bourg d’Issy-l’Évêque s’érige en État indépendant. M. Carion, curé, a convoqué l’assemblée de la paroisse ; on l’a nommé membre du comité administratif et de l’état-major nouveau. Séance tenante, il fait adopter un statut complet, politique, judiciaire, pénal et militaire, en soixante articles. Rien n’y manque ; on y lit des règlements « sur la police de la ville, sur les alignements des rues et des places publiques, sur la réparation des prisons, sur les corvées et les prix des grains, sur l’administration

  1. Moniteur, IV, 560 (séance du 5 juin 1790), rapport de M. Fréteau. « Ces faits sont prouvés par cinquante témoins. » — Cf. n° du 19 avril 1791.


  la révolution. ii.
T. IV. — 5